J’aimerais bien exprimer ce que je ressens. Je marche le long de la plage, arrêtée là, à tenter de définir l’ombre couchée sur le sable. J’observe comme on observe l’horizon, un clair de lune, ou un coucher de soleil. J’observe comme quand on aperçoit quelqu’un de loin se demandant si c’est celui ou celle qu’on croit reconnaître. Je m’approche, l’ombre se lève et se déplie avec difficulté, titube, se redresse, regarde tout autour de peur, sait-on jamais. De honte serait plus approprié. L’ombre est un homme, un vieil homme. Il plie son sac de couchage, remet ses godillots. Tire sur son tee-shirt trop court, relève son pantalon trop grand, me rend mon sourire.

-Avez vous besoin de quelque chose?

D’une voix terne, il me répond non merci. Je le fais répéter car je n’ai pas compris. Il tousse et n’a plus de dents,, pas facile pour articuler.

Je lui donne mon adresse et l’invite à venir tout à l’heure pour déjeuner. Une larme roule sur sa joue. J’ai toujours refusé de faire partie des institutions, comités et associations, ou autres soutiens de la vie publique, aujourd’hui à moi seule j’ai fait ce que chacun devrait faire pour son prochain.